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Différences/Indifférences

4 novembre 2007

La Maison de Bordeaux

98bandeauIl m'a fait penser à un traumatologue. On coupe et on raccourcit. R Koolhaas est peut être un traumatologue de l'architecture. Dans le monde médical, ce ne serait pas forcément un compliment. Dans le monde de l'architecture, on peut y voir un vrai talent : celui de la simplification, de la rationalisation, de l'essentiel face au superficiel, de l'essentiel face à la tendance et la mode, de l'essentiel face au désordre. Cette conférence lui permet de balayer les grands projets en cours de son agence , d'étudier les rapports entre politique et espaces urbains, entre système économique capitaliste et architecture. Les liens entre les deux sont évidents. Les moyens de production ont toujours influencé l'histoire du peuplement. Les hommes se sont regroupés autour des axes de communication, se rassemblent là où la richesse se crée, là où on produit. Le village, la ville sont ainsi nés. Elles ont grandi et aujourd'hui ce sont les immenses mégalopoles qu'il faut penser.

Il nous balaye un croissant de la soie partant de l'Europe en passant par Dubai et finissant par la Chine. Les anciens et nouveaux eldorados dans une continuité géographique. Je prendrai juste trois projets qu'il développe :

- CCTV à Pekin

- L'horizontal de Dubai

- L'anarchie de Lagos.

La tour de la CCTV est en train de sortir de terre. C'est un incroyable croisement de deux tours. L'objet promet d'être époustouflant dans une simplicité apparente. Une épure. Il coupe et raccourci. Il va à l'essentiel. Mais là où il est contestable, c'est sur la justification du lieu ; sur le rapport entre l'espace et les hommes qui l'occuperont. Il justifie l'ouverture de son bâtiment comme un contre point d'un système politique vérouillé ; le contre courant. Le système politique est fermé ; la télévision son bras armé. Alors il ouvre le lieu ; il introduit de "la démocratie". Pour ma part, pardonnez moi, j'y vois plus une justification a posteriori plus que le coeur du projet.

"L'horizontal" de Dubai est encore un objet à contre courant. Dubai est toujours plus haut. Il revient à l'horizontal. Dubai va au clinquant, il retourne à l'essentiel avec un bâtiment d'une sobriété presque absolue. Il ajoute un coup de génie avec son système pivotant pour suivre le mouvement du soleil et éviter les éblouissements. Mais là où il est contestable, là où je ne valide pas c'est lorsqu'il évoque le melting pot de la ville. Dubai, avec ses 20 % de "natives" et 80 % d'étrangers, intègrerait. La ville serait en quelque sorte l'image, le reflet du monde et de toutes ses communautés. Il se lance alors dans une justification des conditions de vie des travailleurs condescendante et contestable. Ces travailleurs ne feraient que reproduire leur habitat traditionnel et notamment les allées asiatiques (à l'image des hutongs). Voulues pas subies, les conditions de travail des asiatiques venus chercher du boulot dans ce paradis dans le désert ? Je n'y crois franchement pas.

L'anarchie de Lagos. R Koolhaas finit par comprendre la ville, expliquant l'anarchie apparente par les structures pré existantes à sa fabuleuse croissance démographique. Ensuite les hommes se sont installés entre ces infrastructures, là où ils ont pu. Il remet de l'ordre. Il va à l'essentiel. Mais lorsqu'il évoque la vie dans les décharges, lorsqu'il évoque le recyclage effectué pour permettre à des habitants de vivre, je ne vois plus de l'essentiel, j'y vois une insupportable misère, une effroyable adaptation.

Je ne suis pas architecte ; juste un passionné de politique qui sait l'importance des urbanistes et des architectes. Je reconnais à Koolhaas des monuments superbes, une épure que j'adore, un sens du contre point et du contre courant que j'admire. Il est profondément utile. Mais il y a une chose insupportablement absente dans son discours : c'est une capacité de révolte. Il prend l'état d'une ville comme une donnée mais il oublie son devoir de révolte. Certaines choses, certaines situations sont inaceptables et méritent utilement d'être rappelées. On peut construire en Chine mais on ne se résigne jamais à un peuple baillonné quand on a une tribune mondiale pour s'en émouvoir. On peut construire à Dubai mais on oublie pas ceux qui pour un salaire de misère donneront vie à vos dessins. On peut construire et penser Lagos mais avant on n'oublie pas de crier contre un système mondial et local capable de faire vivre des gens dans des décharges. 

Pour écouter la conférence : http://www.centrepompidou.fr/histoiredestrente/98.htm

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21 octobre 2007

99 francs

99

Message utile

Dans le livre, la critique était déjà acerbe, sans doute très juste, même si le trait était déjà grossi. Dans le film, le trait est plus que grossi. L'humour qui dans mon souvenir était présent dans le livre a presque totalement disparu du film. Le livre m'avait vraiment paru plus drôle. Certains effets du film sont plutôt bien faits mais il y a beaucoup de remplissage. On fait durer, on meuble. Le réalisateur le fait bien mais ne nous trompe pas. J Dujardin joue bien même si dans un registre qu'on lui connaît bien. Mais bon rien à faire, si on décortique, le message du film tient en une phrase : "la publicité manipule y compris ceux qui la font ". Mais il y a la fin, la conclusion, la chute. Formidablement utile. Arrêtez la lecture de cette critique à cet endroit si vous comptez aller voir ce film. Le dernier écran, après une heure trente de gloire critique à la publicité et à la consommation nous laisse sur ce message : "500 milliards de dollars sont consacrés chaque année à la publicité. Selon les nations unies, 10 % de cette somme permettrait de réduire de moitié la pauvreté dans le monde". FIN. Ce dernier écran ne vous quitte pas, vous suit à la sortie du film. Message utile à la nécessaire résistance du tout consumériste qui a définitivement gagné le monde et son fabuleux bras armé qu'est la mondialisation commerciale.

21 octobre 2007

L'Assasinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

jessie_jamesSi long, beaucoup trop long...

Western esthétique et introspectif ; alors soit définitivement l'univers des westerns ne m'accroche jamais soit ce film est tout simplement ennuyeux. C'est long ! Ce film est une sorte d'affrontement de deux tableaux psychologiques. Celui de Jessie James, de sa souffrance, de ses doutes, de ses angoisses et autre insomnies - du style pas facile d'être un bandit même de la tendance robin des bois (dimension d'ailleurs très absente du film) et celui de Robert Ford, jeune homme pétri d'admiration pour JJ, lâche, traitre, jaloux et incompris sans doute. Il ne se passe rien si ce n'est l'affrontement de deux psychologies ou la description d'une relation admirative maître/élève - fils/ père. Moi, je n'y ai jamais cru, adhéré à aucun moment du film ; le jeu des acteurs sonnait comme faux. Je n'ai pas eu le choix, j'ai vu ce film en VF ce qui n'arrange sans doute rien. Mais rien à faire, ce film m'a paru ennuyeux et comme il dure plus de deux heures trente, la lenteur se transforme vite en "quand est ce que ça fini ?" . Sinon, oui c'est plutôt bien filmé, ou en tous les cas en version esthétisante ce qui ne gâche rien même si à part le fait que c'est pour un western, il n'y a vraiment rien de novateur. La réalisation est un genre de mixte entre J Jarmush et Gus Van Sant. Il y a du talent mais plus d'en la capacité à reproduire ce qui s'est déjà fait et à le transformer qu'à inventer réellement. Bon, vous l'aurez compris : je n'ai pas aimé du tout. Et vous ?

21 octobre 2007

Un secret

un_secretUn secret

Forcément terrible et dramatique secret. Je ne vous en dirai donc rien ou en tous les cas pas grand choses. Je ne vous parlerai que du reste. C'est d'abord un casting fabuleux qui sert ce film : M Amalric toujours aussi doué ; Ludivine Sagnier pétillante ; Cécile de France envoûtante et Patrick Bruel efficace. Je vais faire dans le cliché, dans ce qui a dû être écrit partout mais la beauté de Cécile de France sert une sensualité parfois insoutenable dans le film. Elle est géniale, magnifique et talentueuse. La réalisation de C Miller est également réussie. L'approche du temps est étonnante. Le procédé cinématographique n'est pas révolutionnaire mais juste étonnement à contre temps. Le présent est filmé en noir et blanc ; le retour dans le passé en couleurs et pour l'épilogue il choisit également la couleur. Ce décalage renforce avec talent le poids du passé ; le poids de notre enfance dans ce que nous sommes ; le poids des mythes de cette même enfance ; nos inconscients / conscients. L'enfance est couleur, authentique quand l'âge adulte est celui des faux semblants. L'épilogue en couleur comme l'épilogue d'un parcours où le narrateur s'est enfin retrouvé, absorbé définitivement son secret et pouvoir enfin être lui-même. Voilà pour le superficiel, l'accessoire car l'essentiel de ce film est ailleurs : dans le secret ; dans ce secret d'une époque terrible et insoutenable. Je vous laisse découvrir...    

16 octobre 2007

Longue marche - Tome 1

longue_marche1De Bernard Ollivier

Inoubliable
Ce récit est celui d’une quête de soi. Agé de 61 ans, à la retraite, veuf, passionné de marche, il veut renaître. Cette renaissance passe par une marche de 12 000 kms ; une marche à pied sur l’ancienne route de la soie. Effectuer à pied, en trois ans, le trajet d’Istanbul à Xi’an. Voilà pour l’ambition. C’est un exploit sportif mais la force de ce livre, c’est justement que ce n’est aucun cas la narration d’un défi. Ce livre n’est qu’une introspection, qu’une quête de soi, une redécouverte du monde, des autres. A ranger dans les écrivains voyageurs, les très grands ; ceux qui nous racontent leur voyage mais de ceux qui par les mots nous emmènent encore un peu plus au-delà du simple récit. C’est l’éternelle magie des mots lorsqu’ils sont justement employés. Ils font rêver, voyager. Ils laissent l’imagination broder autour de leurs réalités. Ce livre est splendide ; splendide de modestie et d’humilité. Cette aventure est prodigieuse. Il a une capacité à décrire ses sensations, exceptionnelle. Jamais je n’ai lu de mots si justes pour expliquer ce qu’est la marche, ce qu’elle a parfois d’oubli de soi, d’oubli de son corps, de fabuleux médium de l’introspection. C’est aussi sa capacité à expliquer la notion même de voyage, ce que lui apporte la rencontre de l’autre. C’est aussi -pour celui qui a déjà voyagé, il sera, je pense, bluffer - sa faculté à nous dévoiler en permanence la légère et si excitante remise en question que suppose tout voyage.
Au-delà de ce voyage intérieur qu’il nous fait partager, c’est aussi et tout simplement le récit d’une formidable aventure sportive, humaine. C’est un tableau sans doute très juste de la société turque au début des années 2000 : de la place de la femme, de l’armée, du Kurdistan, des inégalités qui se creusent là bas aussi entre les grandes villes et les campagnes. Ce livre se dévore. Il nous emmène loin : loin en Anatolie, loin à l’intérieur de l’esprit en vous invitant ni plus ni moins à partager son introspection. Sa modestie, son rapport au temps, sa sagesse, le pays traversé nous rappellent parfois le génie de Nicolas Bouvier. Vraiment quel talent. Inoubliable.

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